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Un défi du quotidien
Un défi du quotidien

La Presse

time23-07-2025

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Un défi du quotidien

Une personne soupçonnée d'avoir consommé de la drogue a immobilisé son véhicule en plein boulevard Notre-Dame, dans l'est de Montréal. Les paramédicaux tentent de lui offrir des soins. Les surdoses d'opioïdes tiennent les paramédicaux en haleine. Leur mission, parfois difficile : amener les gens à l'hôpital. Il n'y a pas le moindre accident de la route en vue sur le boulevard Notre-Dame en ce bel après-midi de juillet, et pourtant, un bouchon de circulation bloque l'artère. C'est qu'un important déploiement de pompiers et d'ambulanciers monopolise la voie de droite : ils interviennent auprès d'une personne visiblement sous l'influence d'opioïdes, derrière le volant d'un véhicule immobilisé. Dans la métropole, au cours des cinq dernières années, le nombre d'interventions d'Urgences-santé pour des cas de consommation et de surdoses liés aux opioïdes a explosé. Les données rendues publiques par la Direction régionale de santé publique de Montréal, mais jamais médiatisées, en témoignent. En 2020, les paramédicaux de Montréal et de Laval sont intervenus en moyenne 25 fois par mois dans des dossiers qui ont nécessité l'administration de naloxone, un antidote utilisé pour renverser les effets d'une surdose d'opioïdes. En 2024, ils sont intervenus trois fois plus souvent pour de tels cas, soit 81 fois par mois en moyenne. C'est près de trois interventions par jour. Or, ces chiffres ne représentent qu'une fraction des appels liés à la consommation d'opioïdes auxquels répondent les intervenants de première ligne. De nombreuses interventions auprès de personnes aux facultés affaiblies ne sont pas comptabilisées dans ces données, notamment lorsque le patient refuse les traitements de naloxone. C'est le cas des opérations auxquelles La Presse a assisté au début du mois. Assise dans le siège conducteur d'un VUS gris, la dame qui a fait l'objet d'un appel au 911 a les pupilles très petites et son short est taché de sang, mais elle est encore consciente, capable de s'orienter et de parler. Le paramédical en soins avancés d'Urgences-santé, qui s'inquiète d'une détérioration imminente de son état, tente de la convaincre d'accepter des traitements, mais elle préfère apposer sa signature au bas d'un formulaire de refus de soins. Les policiers prennent le relais de l'intervention, et la femme est finalement arrêtée pour conduite avec les facultés affaiblies. PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE Des policières ont pris le relais d'une intervention auprès d'une femme sous l'influence d'opioïdes après que celle-ci a signé un formulaire de refus de soin. « C'est une madame Tout-le-Monde », souligne Jean-Mari Dufresne, superviseur et porte-parole d'Urgences-santé. La crise des opioïdes touche en effet des gens issus de tous les milieux « et les produits sont de moins en moins purs », ce qui complique les interventions de ses collègues. PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE Jean-Mari Dufresne, superviseur et porte-parole d'Urgences-santé « On va avoir des benzodiazépines non commercialisées au Canada qui vont être mélangées avec des opioïdes », explique Gabrielle Nadaï, agente de planification de l'équipe de lutte contre les surdoses de la Santé publique de Laval. Elle peut nommer rapidement toutes sortes de mélanges qui ont circulé au Québec et qui sont beaucoup plus difficiles à traiter, puisque la naloxone n'agit que sur les opioïdes. Les surdoses à d'autres types de drogues préoccupent aussi les autorités. À Laval, par exemple, 90 % de la consommation de drogues dures recensée par la Santé publique concerne des stimulants. « Je soupçonne qu'il y a beaucoup d'appels aux services d'urgence pour des intoxications à diverses substances, pas uniquement aux opioïdes », souligne la Dre Catherine de Montigny, médecin en médecine des toxicomanies au CHUM. L'antidote administré par des tiers Sous le pont Jacques-Cartier, un peu plus tôt cette journée-là, une autre ambulance a été appelée pour traiter une femme inerte. À l'arrivée du véhicule d'urgence, une policière annonce aux paramédicaux que la femme s'est réveillée. Elle refuse d'être transportée à l'hôpital. Les soignants passeront tout de même une trentaine de minutes à ses côtés avant qu'elle ne quitte les lieux par ses propres moyens, dans une intervention qui sollicite davantage leurs compétences sociales que leurs connaissances en intervention d'urgence. « Nous, notre objectif, c'est d'amener les gens à l'hôpital, mais on n'a pas l'autorité de les retenir », explique Jean-Mari Dufresne, dont les collègues paramédicaux œuvrent souvent de concert avec des pompiers, des policiers ou des travailleurs de rue. Fait intéressant, la collaboration entre ces différents partenaires et la distribution de trousses de naloxone au grand public ont considérablement changé la nature des interventions d'Urgences-santé auprès des personnes en surdose d'opioïdes. De plus en plus, la naloxone est administrée au patient avant même l'arrivée des paramédicaux, ce qui maximise les chances de survie de la personne en état de surdose. PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE De plus en plus, la naloxone est administrée par des tiers. En moyenne, en 2020, ce sont les intervenants d'Urgences-santé qui ont donné l'antidote à leur arrivée sur les lieux dans près de 65 % des interventions nécessitant de la naloxone. En 2024, ils n'ont administré eux-mêmes le médicament que dans environ 35 % des interventions, montrent des données obtenues par La Presse. Dans les autres cas, il a été injecté au patient par d'autres premiers répondants, par des travailleurs communautaires ou encore par de simples citoyens. « Ça, c'est une bonne nouvelle. Ce qu'on veut, c'est que la naloxone soit tellement connue et distribuée que les intervenants et le grand public puissent en administrer en premiers soins le plus rapidement possible pour éviter des dommages qui pourraient être permanents », indique la Dre de Montigny. Elle ajoute que, même si la personne intoxiquée a reçu une dose de naloxone, l'appel au 911 demeure une bonne pratique, puisque les effets de cet antidote sont temporaires. « Ça se pourrait que la dose administrée ne soit pas suffisante. »

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